NICOLE BACHARAN
Le prochain défi: la santé
Par Nicole Bacharan
08/06/09 à 5h36
Avant de partir pour le Moyen Orient et l'Europe, Barack Obama avait laissé de quoi réfléchir à ses concitoyens comme à ses collaborateurs. Son message audio et video hebdomadaire (diffusé à la radio et sur internet) était consacré à l'un des points essentiels de son programme: l'assurance médicale.
Les Américains n'attendent pas de miracle de leur président. Ils ont conscience qu'il a hérité d'une situation économique désastreuse. Ils savent qu'il faudra du temps pour que la machine reparte, que bien des emplois sont encore appelés à disparaître, et des maisons à ne pas trouver d'acquéreurs. Mais s'il y a un dossier sur lequel les Américains veulent des signes forts, et rapides, c'est bien celui de l'accès aux soins. La couverture maladie universelle, sous une forme ou sous une autre, était une des promesses de campagne essentielle de Barack Obama; une des raisons essentielles pour les électeurs de lui faire confiance. Obama joue là une bonne partie de sa crédibilité politique, ainsi que la réussite ou l'échec de son mandat.
Petit rappel de la situation actuelle:
Environ 158 millions d'Américains sont assurés par l'intermédiaire de leur employeur. C'est le système traditionnel: les entreprises négocient avec les compagnies d'assurance, et fournissent la protection maladie à leurs employés - ce sont ces fameux "benefits" qui comptent beaucoup dans un salaire.
Les retraités sont assurés par le système fédéral Medicare.
Les enfants des familles très modestes et particulièrement de parents au chômage sont assurés par deux autres systèmes publics: Medicaid et SCHIP (State Children's Health Insurance Plan)
Mais 48 millions d'Américains n'ont aucune assurance médicale. Souvent, ils travaillent, mais leur entreprise n'offre pas de "social benefits"; ils n'ont pas les moyens de souscrire une assurance individuelle; et ils ne sont pas "assez pauvres" pour bénéficier des programmes publics.
Pour enfin assurer tous ces Américains (qui n'ont guère d'autres recours que de se retourner vers les services d'urgence), il faut évidemment beaucoup, beaucoup d'argent. Obama propose de créer un nouveau système public, copié sur l'assurance offerte aux fonctionnaires et aux élus fédéraux, et qui incluerait cette fois tous les laissés pour compte du système. Le coût sur dix ans est estimé à 1000 milliards. Où les trouver?
Le président annonce, et ce n'est pas une surprise: deux sources de financement: les économies, et les impôts.
Il met l'accent sur l'inefficacité du système actuel, et notamment sur les coûts extravagants des médicaments prescrits sur ordonnance, qui grèvent les budgets publics de Medicare et Medicaid. Il souhaite donc amener à la table des négociations tous les acteurs concernés: les compagnies pharmaceutiques, les hôpitaux, les compagnies d'assurance, les médecins, les associations, les syndicats. En trouvant les moyens de baisser les coûts, il espère économiser, sur dix ans, jusqu'à 600 milliards dans les programmes publics de santé. Il lui resterait à trouver quelque 500 milliards (toujours sur dix ans) à répartir en impôts divers.
La complexité du dossier, et les oppositions qui se manifestent, sont colossales. On se souvient que Bill et Hillary Clinton avaient, en leur temps, échoué sur ce même écueil. Barack Obama est déterminé à mettre en jeu tout son poids politique - et son actuelle popularité - pour amener les élus à voter cette réforme capitale. Il entend convaincre d'abord le public pour que les législateurs ne puissent pas prendre le risque de faire capoter le projet.
Tout le réseau des contacts internet de la campagne (transformé en "Organizing for America") est déjà activé. Le président va parcourir le pays pour prononcer des discours et tenir des réunions publiques. Il lui faut à la fois obtenir du Congrès le vote d'un système viable, mais le faire aussi avec l'appui d'un certain nombre de Républicains, pour être sûr que l'on ne reviendra pas en arrière au premier changement de majorité. Et en plus, il veut aller vite. Rahm Emanuel, son bras droit, annonce deux votes majeurs d'ici juillet: l'assurance médicale, et le programme sur l'énergie. De quoi maintenir une activité maximale à la Maison Blanche comme au Capitole...
Nicole Bacharan
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Quand Barack Obama s'appelait Barry
Par Nicole Bacharan
31/05/09 à 21h14
Avant d'entamer une semaine qui, pour, pour le président Obama, sera lourde d'enjeux politiques, et empreinte de gravité, je vous propose de partager un petit moment de légéreté, digne d'un dernier weekend de mai.
Allons voir ensemble, grâce à internet, une exposition de photos qui vient d'ouvrir à Hollywood, sur le thème "Barry the Freshman". Certaines de ces photos ont été publiées par Time Magazine à la fin de l'année dernière, dans le numéro consacré à la "Personne de l'Année" et donc à Barack Obama. Certaines sont inédites, et valent le détour.
Barry the Freshman, c'était Barack Obama en 1980, quand il venait tout juste de quitter Honolulu pour entamer sa première année universitaire à l'Occidental College (surnommé "Oxy") à Los Angeles. Une étudiante en photographie, Lisa Jack, cherchait un modèle pour une série de portraits en noir et blanc, et un ami lui a recommandé un camarade de classe dont les notes étaient encore assez moyennes, mais qui avait déjà une belle présence: Barack Obama. Dit "Barry". Dit parfois aussi "Barack O'Bomber" pour son redoutable talent au panier dans l'équipe de basket.
Ces photos ont dormi pendant 28 ans dans un tiroir, et maintenant, évidemment, elles valent de l'or. Elles nous rappellent qu'Obama a eu 20 ans, qu'il n'a pas toujours eu l'air sévère, vêtu d'un costume strict ( sa tenue de base à l'époque était la chemise hawaiienne ), avec le poids du monde sur les épaules.
Il sera temps de revenir aux choses sérieuses dès le début de la semaine. Mardi, le président quittera Washington pour sa deuxième tournée internationale, qui le conduire d'abord en Arabie Saoudite, puis en Egypte où il prononcera le grand discours adressé au monde musulman et annoncé dès la campagne électorale. Il se rendra ensuite en Allemagne - où il visitera le camp de concentration de Buchenwald - et enfin en France, pour commémorer le 65ème anniversaire du débarquement en Normandie.
Bonne fin de weekend,
Nicole Bacharan
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Mariage gay: la bataille continue
Par Nicole Bacharan
27/05/09 à 21h4
En Californie, les adversaires du mariage gay viennent de marquer un point: la Cour suprême de l'Etat a reconnu la validité de la Proposition, votée par referendum en novembre dernier, et qui entend limiter le mariage à "l'union d'un homme et d'une femme". Mais dès ce matin, les deux camps regardent déjà vers l'avenir, et la prochaine bataille: les élections et les initiatives populaires de 2010.
La question sera remise à l'ordre du jour, les emails sont déjà partis pour lancer les levées de fonds, et les stratèges s'activent. Les militants en faveur du mariage gay comptent se placer sur le terrain de l'égalité des droits civiques, et de faire un parallèle avec l'histoire du mariage interracial : car c'est en Californie que la bataille avait autrefois débuté, et il a fallu attendre... 1967 pour que la dernière loi interdisant ces unions (en Virginie) soit condamnée par la Cour suprême. En tout cas, chacun sait que le verdict de la Cour suprême de Californie ne constitue qu'une étape.
Je vous fais un petit résumé rapide des épisodes californiens précédents: En 2000, la Proposition 22 affirme que la mariage est uniquement l'union "d'un homme et d'une femme". En 2004, le maire de San Francisco, Gavin Newsom , annonce que sa mairie prononcera désormais des mariages gays, au nom de l'égale protection des lois. En août 2004, la Cour suprême de Californie annule les mariages ainsi prononcés, affirmant que le maire a outrepassé ses pouvoirs. En mai 2008, la même Cour affirme... la légalité des mariages gays au nom de l'égale protection des droits et du droit à la vie privée.
En novembre 2008, les électeurs reviennent à l'idée de l'union d'un homme et d'une femme. Et le 26 mai 2009, la Cour suprême de Californie leur donne cette fois raison, justifiant ses contradictions dans une décision de 185 pages qui retrace l'histoire de la Constitution californienne et de la pratique référendaire. Dans le même temps, la Cour affirme que les quelque 18 000 mariages gays célébrés depuis mai dernier restent valables... Ca vous semble confus ? Et comment ! Mais ce n'est rien à côté de la situation dans l'ensemble du pays : en 2004, le Massachusetts a été le premier Etat à légaliser le mariage gay, suivi par le Vermont, le Connecticut, et l'Iowa. On s'attend à ce que le Maryland, Hawaii, le New Jersey, New York, le New Hampshire et le Maine suivent bientôt le même chemin.
Les "Unions civiles" - comparables au Pacs - existent aussi dans une vingtaine d'Etats. Mais les tribunaux qui ont à se pencher sur ces dossiers ne sont pas confinés à ces Etats. Car comme les autres, les couples gays se déplacent, s'installent ailleurs, et un jour ou l'autre, peuvent se retrouver devant un juge pour une affaire de garde d'enfants, de divorce, d'héritage... En règle générale, les juges alors concernés,appliquent le droit général du mariage, m ême si l'Etat où ils siègent ne reconnait pas le mariage gay. Puisqu'ils se trouvent face à des couples qui ont été légalement unis...
Outre les juges et les politiques, les avocats, eux aussi, sont sur le terrain. Deux avocats de renom, Theodore Olson et David Boies (ils s'étaient notamment illutrés dans la bataille juridique "Gore versus Bush" pendant les élections de 2000) viennent d'annoncer qu'ils allaient représenter deux couples gays californiens, qui se sont vus refuser leurs papiers de mariage. Olson et Boies, soutenus par l'American Foundation ofr Equal Rights, entendent porter plainte devant une Cour fédérale. Ils ont l'intention de démontrer que le refus du mariage gay constitue une atteinte à l'égale protection des lois garantis à chaque citoyen par la Constitution fédérale.
Jusqu'à présent, les militants gays avaient évité les tribunaux fédéraux, où George W Bush a nommé nombre de juges très conservateurs. Une exception toutefois: la Cour d'Appel du 9ème Circuit, basée à San Francisco, et c'est bien devant cette Cour que les avocats entendent plaider. Qui dit tribunaux fédéraux dit, en ultime ressort, Cour suprême, et là aussi, les militants avaient jusqu'à présent préféré éviter de donner aux 9 juges l'occasion de prononcer un jugement condamnant le mariage gay, qui constituerait un solide précédent. Mais - François le soulignait hier - la composition de la Cour change, et le moment venu, il se peut qu'elle se montre plus compréhensive...
Nicole Bacharan
Par Nicole Bacharan
25/05/09
A notre époque informatisée et digitale, Google vient d'ouvrir un Memorial en ligne, interactif, qui vaut le détour. Cela tient, hélas, un peu du jeu vidéo, et on ne peut s'empêcher de se demander si pour réfléchir à la guerre et à la mort, ou pour porter le deuil, il faut désormais passer par les voies de l'entertainment. Probablement... Néanmoins, quand on s'attarde sur le site et qu'on commence à manipuler les différentes icônes, on ne peut pas prendre tout cela à la légère. Il y est bien question d'hommes et de femmes, pour la plupart très jeunes, qui ont laissé leur vie sur un champ de bataille, en Afghanistan ou en Irak.
Je vous conseille vraiment de visiter ce site, et de vous faire votre propre opiinion.
Pour cela, allez sur mapthefallen.org ("cartographiez les morts au combat").
Si vous avez déjà Google Earth.5.0, il suffit de télécharger la carte à droite (Download Map)
Sinon, à partir de mapthefallen, un lien permet de télécharger Google Earth.5.0. Une fois installé, revenez sur la page de mapthefallen.org pour télécharger la carte.
Mapthefallen part d'un globe terrestre, sur lequel on peut zoomer à volonté. Sur la carte des Etats-Unis, on voit une multitiude de petites silhouettes jaunes ou bleues. Ce sont les morts pour la patrie. Les hommes sont en jaune, les femmes en bleu. Ils sont répartis, à l'unité près, dans les Etats dont ils étaient originaires.
Cliquez sur une sllhouette: vous accédez à la fiche du disparu, avec sa photo - généralement souriante et rayonnant l'optimisme - avec une multitude de détails sur sa vie, sa famille, ses amis, sa région.
Cliquez sur "incident" (mot qui peut avoir en Anglais une signification beaucoup plus grave qu'en Français): et vous effectuez immédiatement le voyage autour du globe jusqu'au lieu où est survenu le décès. On réalise à que point le soldat - la soldate - a trouvé la mort loin, très loin de chez lui, et la question qui surgit est évidemment celle de la nécessité de ces combats, que les responsables politiques ont vraiment intérêt à pouvoir justifier.
Arrivés au lieu de "l'incident", vous pouvez aussi zoomer sur la ville, la colline, la route où tout cela a eu lieu ,et apprendre le détail des faits.
Google retrace ainsi la vie et la mort de 5679 (le chiffre de fin avril) militaires américains et étrangers. Le site n'est pas limité à la carte des Etats-Unis et aux Américains, il est tout aussi détaillé pour les soldats venus d'ailleurs, et aux pays des différentes coalitions. (Les grands absents, bien sûr, sont les morts civils de ces guerres; non comptés, et souvent anonymes...°
Barack Obama a célébré Memorial Day par un grand discours prononcé lors de la cérémonie des diplômes à l'Académie navale d'Annapolis. Il s'est engagé, devant le parterre de cadets qui lui faisait face, à ne pas mettre leur vie en danger sans que cela soit absolument indispensable. C'est la moindre responsabilité du commandant en chef...
Nicole Bacharan
Par Nicole Bacharan
20/05/09 à 19h41
Echec retentissant pour le gouverneur Schwarzenegger, et pour tous les parlementaires de Sacramento: alors qu'on compte les derniers bulletins, les résultats sont déjà sans appel. 60% des électeurs qui se sont prononcés ont rejeté les propositions budgétaires qui leur étaient soumises, sauf une. 75% ont approuvé le gel des salaires des élus tant que durera le déficit!
C'est donc bien un vote sanction qui s'est exprimé hier, et cela de plusieurs manières. D'abord, la participation a été très faible - alors que les Californiens s'étaient rendus aux urnes avec enthousiasme lors de la dernière présidentielle. Mais localement, beaucoup ne font plus confiance à personne. Ensuite, les électeurs n'ont pas voulu des mesures budgétaires qui comportaient le prolongement des augmentations d'impôts, dans un Etat où le taux d'imposition est déjà l'un des plus élevés du pays. Les Californiens pensent donc qu'ils ont déjà fait leur part de sacrifices pour rétablir l'équilibre budgétaire, et que c'est maintenant aux élus de prendre leurs responsabilités et de résoudre le problème.
Mais c'est là où le bât blesse: le gouverneur comme le parlement local sont parmi les plus faibles du pays. Car la démocratie directe a été poussée si loin, qu'elle en vient à trahir l'intérêt général. Les électeurs ont beaucoup plus de pouvoir que leurs élus, mais sans avoir la capacité de s'autogouverner de manière cohérente.
La Constitution locale exige une majorité des deux tiers au parlement (impossible à obtenir sur des mesures un peu radicales) pour adopter le budget ou une augmentation fiscale.Les électeurs, eux, peuvent faire passer les mesures qu'ils souhaitent par une majorité simple lors d'un référendum. C'est le système des"initiatives populaires" qui émanent rarement du public dans son ensemble, mais plutôt de groupes militants bien organisés. La majorité des votants l'emporte, ils sont en général bien loin de faire la majorité de la population, car la multicplication des consultations électorales, comme la complexité des mesures proposées, a tendance à décourager bien des électeurs.
Très souvent, les votants obtiennent donc ce qu'ils souhaitent, mais sont déçus par le résultat. Et en font porter le blâme aux élus, qui, sans être irréprochables, se débattent dans un lacis de contraintes quasiment insolubles.
Hier, en dépit de l'échec électoral, Arnold Schwarzenegger a connu son heure de gloire puisqu'il était à la Maison Blanche pour soutenir l'initiative du président sur la réduction des émissions autorisées pour les voitures. Les nouveaux standards fédéraux vont adopter les limites déjà imposées en Californie. Mais comment le gouverneur va-t-il, dés aujourd'hui, faire face au déficit budgétaire annoncé de 21 milliards? Pour l'instant, personne n'en sait rien, et l'inquiétude règne...
Nicole Bacharan
PS: En prolongement du post d'hier: en effet, les autorités américaines sont très pointilleuses quand il s'agit d'accorder la nationalité. ¨Pour être "éligible", il faut vivre et travailler légalement aux Etats-Unis depuis longtemps, avoir suivi le parcours du combattant des différents visas et de la fameuse carte verte. Mais cela concerne néanmoins, à l'heure actuelle, quelque 8 millions d'immigrants.
Les immigrants transforment la Californie... et le reste du pays
Par Nicole Bacharan
19/05/09 à 20h49
En 2026, les Californiens blancs, d'origine européenne, seront moins de 50%. A l'échelle de tout le pays, ce tournant sera pris, selon les prévisions statistiques, en 2042. Environ 12 millions d'immigrants illégaux vivent actuellement sur le sol américain, et on sait bien que tôt ou tard, ils finiront par être naturalisés. Et 8 millions d'autres séjournent et travaillent déjà légalement aux Etats-Unis, et peuvent, s'ils le souhaitent, demander la nationalité américaine.
Jusqu'à présent, bien des immigrants renâclaient à entreprendre les démarches, craignant de se perdre dans les dédales administratifs, voire de s'attirer des ennuis en allant frapper à la porte des services d'immigration. Tout cela est un train de changer. Les dernières années ont vu la mobilisation des Latinos, lassés de servir de boucs émissaires dès que l'on parlait de chômage, de trafic de drogue, ou d'insécurité. La candidature de Barack Obama a galvanisé les énergies. De grandes campagnes, lancées par des associations, mais aussi par les autorités, ont encouragé les immigrants à se faire naturaliser et à s'inscrire sur les listes électorales.
En 2008, un million d'immigrants (dont 300 000 en Californie) sont ainsi devenus citoyens américains. Les Mexicains viennent en tête, puis les Indiens, les Philippins, les Chinois, les Cubains et les Vietnamiens.
C'est une transformation dont on n'a pas fini de mesurer la portée. Elle aura des conséquences sur les relations entre les communautés, sur les rapports des Etats-Unis avec le reste du monde, mais évidemment - et immédiatement - sur les programmes électoraux. Ces nouveaux Américains sont souvent conservateurs sur les questions morales et religieuses - ce qui pourrait les rapprocher du parti républicain. Mais ils sont aussi en faveur d'un rôle important de l'Etat dans l'économie, et du développement des services publics, particulièrement en matière de santé. Sur ces sujets, ils sont donc beaucoup plus en phase avec les démocrates. Mais surtout, ils accordent une importance primordiale à la politique d'immigration. Les positions ultra-dures adoptées en ce domaine par le parti républicain ne sont pas étrangères à la défaite cuisante qu'il a subi en novembre dernier...
L'Amérique profonde change de visage, et l'avenir appartient aux candidats qui sauront en tenir compte.
Nicole Bacharan
Le Terminator en mauvaise posture
Par Nicole Bacharan
17/05/09 à 0h46
Hier, Arnold Schwarzenegger, gouverneur de Californie, recevait un énième doctorat "honoris causa". "Ha Ha! s'exclamait-il avec un large sourire et l'accent germanique à couper au couteau qu'il n'a jamais perdu, "c'est incroyable! Doctor in Human Letters!" Toute son apparence - carrure, mâchoire en avant, lifting sur-tendu et bronzage intense - évoque en effet davantage le sportif, l'acteur, et les personnages semi-métalliques qu'il incarnait autrefois, plutôt que l'universitaire consciencieux. Dans la "vraie vie", et particulièrement dans sa réincarnation en homme politique, le Terminator n'est plus invincible.
Il s'était donné lui-même le surnom de "Gouverneur du Peuple". Sa ligne directrice était d'écouter la volonté populaire, de la mettre en action, et de restaurer ainsi la confiance dans les élus. Mais aujourd'hui, l'Etat de Californie va très mal. Le déficit budgétaire est tel qu'en juillet prochain, l'Etat pourrait se trouver en cessation de paiement. Il manque environ 23 milliards pour boucler le budget 2009-2010.
Pour essayer de redresser la barre, le gouverneur s'est mis d'accord avec le parlement local pour soumettre à référendum, mardi 19 mai, 6 propositions qui n'ont rien de réjouissant. Il s'agit en gros tailler - provisoirement, dit-on - dans les budgets sociaux (crèches et maternelles, soins aux malades mentaux...), de geler les salaires des fonctionnaires et des élus tant que durera le déficit, En outre, le gouverneur demande aux électeurs la permission de faire un emprunt de 5 milliards, qui serait remboursé par... les gains à venir de la loterie californienne (le loto local)!
Les propositions sont complexes, et à part celle consistant à geler les salaires des élus, elles ne sont pas populaires. Que se passera-t-il si les électeurs les rejettent ?
La suite de la carrière politique de Schwarzenegger paraît très compromise. Au terme de son mandat, il n'aura plus le droit de se représenter, il a déjà annoncé qu'il n'envisageait pas de tenter sa chance comme sénateur, et né étranger, il est inéligible à la présidence des Etats-Unis. Mais c'est plutôt pour les Californiens qu'il faut s'inquiéter. Si les 6 propositions échouent, le gouverneur annonce des alternatives budgétaires pires encore: fermeture de plusieurs prisons avec libération anticipée pour certains et entassement des autres dans des geôles déjà surpeuplées; suppression de l'assurance santé de quelque 200 000 enfants; réduction du nombre des pompiers... Alors que la Californie vit son premier weekend de vraie chaleur estivale, il y a de quoi faire peur.Est-ce là le calcul du gouverneur?
Nicole Bacharan
Facebook s'intéresse à ses voisins
Par Nicole Bacharan
13/05/09
Soirée de bon voisinage hier au nouveau siège de Facebook, au croisement de California Avenue et Amherst Street. Si les noms des rues évoquent d'abord la grande ville, c'est une fausse piste! On se trouve en effet à College Terrace, en bordure du campus de Stanford, un petit quartier déuset et charmant, quadrillé de deux avenues ombragées, et de douze rues perpendiculaires, dont une sur deux est un cul de sac pour décourager la circulation.
Ici, toutes les rues portent le nom de prestigieuses universités (Harvard, Columbia, Yale, Hannover, Bowdoin etc.). Tous les habitants ont, de près ou de loin, un lien avec l’université. Tout le monde aime son jardin et sa tranquillité, et personne n’est particulièrement impressionné par le côté « super-inventif » et « super-cool » de Facebook. Les inventions et la haute technologie, ce sont des spécialités locales. Et les riverains de College Terrace ne gardent pas de très bons souvenirs de l’époque qu’ils appellent « la bulle.com » : trop de monde, trop d’agitation, et surtout, une bataille quotidienne pour garer sa voiture.
Les places de parking – ou plutôt le manque de places de parking – c’était bien le sujet de la soirée d’hier. Facebook s’installe, à College Terrace, dans un ancien bâtiment de HP rénové, et va ainsi rassembler ses 800 employés – répartis depuis 2004 dans 9 lieux différents à Palo Alto – sous un même toit. 800 employés, destinés à devenir bientôt 1000 (moyenne d’âge 25 ans) pour…393 places de parking. Les dirigeants de la société ont donc invité tous les habitants de College Terrace (j’ai la chance, pour quelque temps, d’en faire partie) à visiter le bâtiment en dégustant des sushis, et surtout à apprécier à quel point Facebook se veut une entreprise ouverte, sympathique, respectueuse de l’environnement etc. etc. Trop beau pour être honnête ? Chaque employé présent hier affirme qu’il prendra la navette, offerte par la maison, pour se rendre à son travail. John – maître du design et de la maintenance des lieux –nous fait faire le tour du propriétaire et nous affirme que « we really want to be good neighbors ».
Le nouveau siège de Facebook – deux étages, quelques 14 000 mètres carrés – est impressionnant par sa lumière (immenses baies vitrées) et par … son vide ! Pas de cloison, sur des centaines et des centaines de mètres carrés. Pour l’instant, juste quelques tables rectangulaires, à roulettes, destinées à être déplacées, regroupées, isolées, dès que le besoin s’en fait sentir. Au sol, de grandes dalles d’une matière bizarre, appelée tout simplement « fuzz ». Il s’agit de matériaux 100% recyclés, et le résultat final ressemble à du feutre. A chaque étage, quelques superbes cuisines, nanties de multiples frigos, où chacun peut déposer ses provisions. A moins que les employés ne préfèrent les menus offerts (et oui, c’est gratuit, officiellement en tout cas) par le « Café », à déguster ensuite sur les tables de pique nique à l’extérieur, au milieu des pelouses et à proximité du terrain de basket.
Retour à l’intérieur : je suis intriguée par les petites pièces à portes vitrées mais sans fenêtre, meublés de fauteuils et de canapés de couleurs vives, qui bordent une partie des immenses « open spaces ». John désigne l’une d’entre elle comme étant « the mothers’ room ». C'est-à-dire ? Et bien une pièce où les jeunes mères pourront… pomper leur lait. Je pose la question logique : « avez-vous prévu une crèche ? ». Non, non, me répond John (pense-t-il : « il ne faut pas exagérer quand même » ?), juste une pièce pour celles qui allaitent leurs bébés, pour leur faciliter la tâche. C’est le moment où je me souviens que Facebook avait eu de gros ennuis pour avoir retiré de l’affichage des photos de certaines de leurs employées allaitant leurs nourrissons…
Et les autres petites pièces sans fenêtre ? Des bureaux ? Pas du tout : ce sont des … « chillout rooms ». Concept purement Facebook : des pièces, en gros, pour se calmer. Se retrouver seul, ou se faire une petite réunion à deux ou trois
Etre seul, chez Facebook, c’est le vrai luxe. Ce vendredi, les employés (embauchés juste à la sortie de l’université) vont tous participer à des jeux-concours du style « lancer de fer à cheval » et autres équivalents de la course en sac, pour développer l’esprit d’équipe, car ici, affirme chacun, on est « very team oriented
De quoi rassurer les habitants de College Terrace, qui eux, sont « very peace oriented » ? Pas sûr !
Nicole Bacharan
Cartes postales américaines
Par Nicole Bacharan
09/05/09
Me voici de retour à Stanford, pour une nouvelle période de recherches en histoire. Stanford, à trois quarts d’heure de route au sud de San Francisco, c’est un peu la ville à la campagne ; le beurre, l’argent du beurre, etc. En tout cas le lieu où l’on a l’impression que l’on ne doit renoncer à rien.
D’abord il fait beau – très beau. Chaud, mais pas trop. L’air est sec, les nuits sont fraîches, on vit sans la fameuse « clim » qui transforme tant de bâtiments, dans les régions chaudes des Etats-Unis, en îlots polaires. Les rues de Stanford et de Palo Alto, la ville immédiatement adjacente au campus, sont bordées d’arbres immenses, de jardins fantaisistes qui débordent de roses, de maisons de bois ou de briques – souvent toutes petites, l’immobilier est hors de prix – qui transforment toutes les promenades en moments de sérénité privilégiés.
On est au paradis des cyclistes. Je suis sûre que si vous faites du vélo en ville – notamment à Paris – coincés entre les bus et les taxis, vous avez tous éprouvé un jour ou l’autre qu’on « voulait votre peau » : à certains carrefours, au bout de la piste cyclable, on se retrouve face à un panneau « interdit aux vélos » - comme si on pouvait tout à coup se téléporter, ou se volatiliser. A Stanford, non seulement les pistes cyclables sont ininterrompues, protégées, mais encore – à part sur les plus grandes artères - les vélos sont prioritaires sur… tout. Admettez que, juché sur votre bécane, il vous vienne l’envie de traverser la rue à un endroit absurde, sans croisement et peut-être même à contre courant ? Du plus loin qu’elles vous aperçoivent, les voitures roulant sur la chaussée vont s’arrêter pour vous laisser le passage. Si vous hésitez, le conducteur va ajouter un petit signe de la main, qui signifie clairement « allez-y, pas de problème ». Ah le sentiment de toute puissance du cycliste ! Peut-être – outre la peur du gendarme – l’automobiliste a-t-il peur d’écraser un futur Prix Nobel ? L’université de Stanford s’enorgueillit d’en avoir produit un nombre record, notamment l’actuel Secrétaire à l’énergie du gouvernement Obama… Palo Alto aurait pu n’être qu’une petite ville somnolente à l’abri de ses grands chênes.
Grâce à l’université, c’est devenu l’un des centres intellectuels et scientifiques les plus stimulants et créatifs du monde. C’est à Palo Alto, et toujours en lien avec l’université, qu’est née la Silicon Valley, où ont grandi HP, MacIntosh, Google, Facebook… Cette Silicon Valley est un train de se transformer en « Biotech Valley », à l’heure où la protection de l’environnement et la recherche d’énergies propres et renouvelables sont, enfin, arrivées au premier plan. Peut-être est-ce encore de Palo Alto et de l’université que viendront quelques solutions à la crise qui frappent très durement la Californie ? A quelques miles du paradis de Palo Alto, dans bien des régions, l’Etat de Californie – menacé lui-même de banqueroute financière – doit faire face au chômage, à la pauvreté, au nombre croissant des sans-abri, à la pollution, sans compter la grippe. J’y reviendrai…
Nicole Bacharan
Par Nicole Bacharan
14/04/09 à 2h32
« Bombingham » : c’est ainsi que les militants noirs surnommaient, au début des années 60, cette ville du Sud profond. Tant il était fréquent qu’une charge de plastic explose devant leurs maisons. La menace des croix enflammées et des cagoules blanches du Ku Klux Klan n’était jamais très loin.
Birmingham, disait Martin Luther King, "une ville qui n’avait jamais entendu parler d’Abraham Lincoln ou de la Déclaration des droits, la ville la plus authentiquement ségréguée des Etats-Unis ». C’est ici que le leader noir écrivit sa « Lettre de la prison de Birmingham », au temps où il croupissait dans une geôle locale et appelait à la solidarité curés et pasteurs blancs (sans trop de succès).
A Birmingham le weekend de Pâques, je suis donc allée faire un tour du côté de Ingram Park, un jardin public bien tranquille où, en dépit des monuments commémoratifs, il est difficile d’imaginer la violence des évènements qui s’y déroulèrent. Au printemps 1963, Martin Luther King lança ici même les premières manifestations contre la ségrégation menées par des enfants – décision très controversée. Et c’est à Ingram Park que ces enfants qui chantaient « Freedom ! Freedom ! » furent accueillis par des canons à eau qui les projetaient à terre, et attaqués par les bergers allemands de la police, tous crocs dehors.
Les militants noirs avaient alerté les télévisions, et les images de la brutalité sudiste à Birmingham bouleversèrent le pays, et convainquirent le président Kennedy d'enfin agir contre la ségrégation.
Aujourd’hui, en face du parc, on trouve le Civil Rights Institute qui retrace l’épopée pour les enfants des écoles. A deux pas, la congrégation l'Eglise baptiste de la 16ème rue chante des gospels entraînants, et accueille chaleureusement les visiteurs, qui, comme moi, s’aventurent jusqu’ici pour le service de Pâques. Cette église noire, elle aussi, fait partie de l’histoire : en septembre 1963, une explosion détruisit une partie du bâtiment, tuant quatre petites filles pendant l’école du dimanche. Un des premiers souvenirs d’enfance de la petite Condi Rice, qui grandissait alors dans le quartier noir.
46 ans plus tard, Birmingham semble assoupi sur ses souvenirs. Le quartier noir, au nord de la voie de chemin de fer, est toujours noir. Le centre ville est silencieux et vide. La grande avenue est toujours bordée de beaux immeubles des années 30 – mais même en semaine, on n’y croise personne. Nombre de devantures et de fenêtres sont bouchées par des planches clouées. Les immeubles condamnés succèdent aux magasins en attente de repreneurs qui ne viendront pas. Le silence est pesant, les affiches « à louer » s’effilochent. Et cela ne date pas de la crise actuelle, cela fait des décennies que la ville s’est littéralement vidée. Que s’est-il passé ?
La déségrégation a bien eu lieu, les Noirs peuvent désormais aller et venir à leur guise, personne ne les menace ou ne les regarde de travers. Mais les Blancs ont fui la ville, se sont repliés vers les collines, dans leurs banlieues. Les Noirs vivent dans les banlieues noires. Pas d’hostilité déclarée entre les communautés. Tout ça, c’est du passé. Blancs et Noirs se retrouvent au travail – là où il en reste. Birmingham a perdu l’industrie sidérurgique qui fit sa prospérité mais il y a encore les tribunaux régionaux, quelques banques, et surtout l’université et le grand centre médical, consacré à la fois aux soins et à la recherche. Mais après le travail, chacun rentre chez soi. Les enfants vont à l’école de leur quartier, et ces écoles sont donc presque autant ségréguées qu’autrefois.
Les Blancs d’Alabama votent républicain. Non, ils ne regrettent pas « le bon vieux temps », ils ne contestent en général pas la légitimité de Barack Obama. Mais tout de même, ils n’aiment pas que le gouvernement se mêle trop de leurs affaires, cela ne leur a pas laissé de bons souvenirs.
Les Noirs, eux, votent démocrate. Si le gouverneur de l’Alabama est républicain, le maire de Birmingham, Larry Langford, est noir, et démocrate. Un problème pourtant: il vient d’être inculpé pour fraude et malversation. Le journal local, The Birmingham News, se demande s’il est bien normal que le juge fédéral, en attendant le procès, ait interdit au maire de signer de nouveaux marchés publics.
Décidément, c’est vraiment sinistre, Birmingham, même à Pâques, même plus de 40 ans après la déségrégation !
Nicole Bacharan
Atlanta, la ville de Martin Luther King
Par Nicole Bacharan
12/04/09 à 15h31
Traversée rapide du du nord au sud, et me voici à Atlanta, Georgia, territoire qui m’est beaucoup plus familier, puisque j’ai passé nombre d’années dans la région. Et en matière de petite madeleine et de souvenirs lumineux qui se ravivent aussitôt, rien ne vaut l’accent du Sud, la chaleur des habitants, et leur bienveillance souriante. A Atlanta, le centre – avec les bâtiments de CNN et de Coca-Cola – est assez bétonné et manque de grâce. Tout y est neuf : n’oublions pas que la ville ancienne a brûlé pendant la guerre de Sécession. Mais dès qu’on quitte ce quartier des affaires, la ville monte et descend les « collines rouges de Géorgie » - chères à Martin Luther King, et dans un autre monde, à Scarlett O’Hara - et se révèle l’une des plus vertes des Etats-Unis. En fait de « quartier historique », le seul restant est un bout de rue qui ne date pas de la guerre de Sécession mais du début du 20ème siècle, dans le quartier où grandit Martin Luther King, l’enfant du pays, mais aussi l’un des plus grands hommes de l’histoire. C'est-à-dire un homme qui, très jeune, a regardé le monde autour de lui – celui d’une ségrégation implacable, imposée par la loi et la violence dans une région où la police et la justice avaient partie liée avec le Ku Klux Klan – et a su imaginé un autre monde, et un mouvement pour y parvenir. Un homme qui a su très tôt qu’il paierait ce combat de sa vie, et pourtant n’a pas reculé. Je suis donc retournée du côté de Auburn Avenue.
Autrefois, au temps de la ségrégation, on disait de que c’était « la rue noire la plus riche du monde ». Et c’est vrai, c’est une artère de belle proportion, on y trouve une rangée de bungalows en bois bien restaurés, l’Eglise Ebenezer où « Daddy King » puis son fil Martin ont autrefois prêché, et qui continue à abriter une paroisse baptiste très active. De nos jours, le coin ne respire pas la prospérité, et la pièce d’eau qui entoure le tombeau de Martin et Coretta King aurait sérieusement besoin d’être restaurée. Un peu plus loin, on progresse vers quelques belles maisons bourgeoises à deux ou trois étages. Au 501 Auburn Avenue, se trouve donc, transformée en musée, la maison où Martin Luther King vit le jour en 1929 (si la balle d’un assassin ne l’avait pas atteint, il pourrait être encore parmi nous).
A l'intérieur, tout est entretenu, comme si les habitants allaient revenir d’un instant à l’autre. Les meubles sont d’origine, on trouve la chambre des parents – avec son lit recouvert d’un « quilt » coloré ; la chambre de Christine (sœur de Martin), avec son mobilier rose ; la chambre des garçons, que Martin partageait avec son frère A.D. Plus loin, le salon et son piano où les enfants martelaient leurs leçons de musique, le bureau où ils faisaient leurs devoirs sous le regard du père, la salle à manger où le couvert est mis avec élégance, attendant un prochain repas. Sans compter la chambre d’amis, qui servait presque sans arrêt, car tout voyageur noir, au temps de la ségrégation, se voyait interdit les hôtels, et vivait chez l’habitant. La maison des King ne désemplissait pas, et parfois même, on dressait en plus un lit de camp pour les garçons sur le palier. Dans cet intérieur, tout respire la bonne bourgeoisie américaine des années 40 et 50 et on ne peut s’empêcher de se demander avec ahurissement comment les ségrégationnistes pouvaient voir dans ces familles noires si respectables, « la fin du Sud et de la civilisation »
Le soir, l’Alliance française m’avait demandé de m’exprimer sur « Action affirmative, diversité et communautarisme, en France et aux Etats-Unis ». Je me suis retrouvée devant un auditoire nombreux, composé à la fois d’étudiants, de professeurs, de parents, d’amis des uns et des autres. La rencontre était d’autant plus intéressante, que tous les âges et toutes les communautés étaient représentées, et qu'ici, personne n’a oublié non seulement Martin Luther King, mais le fait qu’Atlanta fut une ville pionnière de l’action affirmative, l’une des premières métropoles à avoir élu un maire noir dans les années 1970, et à avoir conduit des chantiers publics (dont l’immense aéroport) en faisant une vraie place aux employés et aux entreprises de la communauté noire. L’auditoire qui me faisait donc face hier avait, pour les plus âgés, tout vécu de l’action affirmative : les frustrations, la bureaucratie tatillonne, mais aussi et surtout, les immenses progrès qui ont vraiment transformé Atlanta en ville où les Noirs ont accès à tous les postes publics ou privés, du haut en bas de l’échelle des compétences. Une ville où les Noirs aiment vivre, où les Blancs n'ont pas pris la fuite, et où s’épanouit enfin cette fameuse « classe moyenne noire » qui a eu tant de mal à imposer son existence.
Nicole Bacharan
Par Nicole Bacharan
10/04/09 à 16h43
Vous vous souvenez des cinq semaines qu’il avait fallu, en 2000, pour décider, qui, de George W Bush ou de Al Gore, avait gagné l’élection présidentielle et le droit d’entrer à la Maison Blanche ? Et bien ce n’est rien à côté de la bataille qui se déroule dans le Minnesota – tout près de la frontière canadienne – où je me trouve en ce moment !
Comme partout dans le pays, les élections ont eu lieu le 4 novembre, pour le président, mais aussi pour les sénateurs. Et comme tous les Etats, le Minnesota a droit à deux sénateurs, chacun avec un mandat de 6 ans. L’un deux est une femme, Amy Klobuchar, élue en 2006 et dont le siège n’était pas en jeu en novembre. Le 2ème sénateur sortant, le républicain Norm Coleman, livrait bataille contre un nouveau venu : le démocrate Al Franken, ancien comédien spécialisé dans la satire politique.
Il n’aurait pas imaginé un tel scénario : 4 mois et demi après, le vainqueur n’a toujours pas été déclaré, et la bataille d’avocats continue ! Le 4 novembre et les jours qui ont suivi, on parlait de « too close to call » - c’est classique – et on organisait un recomptage des voix. Là aussi classique dès que les résultats sont très serrés. Aujourd’hui, bien des recomptages et des procès plus tard, le résultat dépend de l’examen d’ultimes bulletins de vote envoyés par correspondance, et que les « machines à lire les bulletins » avaient tout d’abord déclaré invalides.
Cette semaine, chacun des bulletins litigieux a été ouvert, déplié, examiné à la loupe par le directeur des élections de l’Etat et les avocats des deux parties. Aux dernières nouvelles, Al Franken le démocrate aurait 312 voix d’avance (sur 2,9 millions de suffrages exprimés). Mais Coleman continue à affirmer que d’autres bulletins par correspondance ont été rejetés de manière abusive, et qu’il ira jusqu’à la Cour suprême du Minnesota ! Ce qui prendrait encore plusieurs semaines…
Le résultat n’est pas qu’anecdotique : tout cela signifie qu’il manque un sénateur à Washington, une voix très précieuse pour les démocrates dès qu’un projet de loi demande une majorité qualifiée, une voix tout aussi précieuse pour les républicains pour pouvoir s’y opposer ! En attendant, les « Minnesotans » se sentent un peu ridicules, mais insistent : chaque voix doit compter.
Minneapolis-St Paul, les « villes jumelles », sont au cœur d’une région où l’esprit démocratique est bien vivace. Les premiers immigrants furent des Scandinaves qui apportèrent avec eux leurs traditions religieuses : à la fois conservatrices, mais tolérantes envers l’étranger. Aujourd’hui, c’est une des régions les plus multi-ethniques des Etats-Unis. On y trouve toutes les communautés d’Europe centrale, mais aussi d’Afrique du Nord et d’Afrique noire. Tous les jours, de nouveaux venus quittent la Somalie ou le Congo pour gagner cette région glacée.
Certains sont des émigrés à la recherche d’une vie meilleure, mais d’autres sont des survivants de l’enfer. Car Minneapolis et St Paul ont aussi développé deux centres pionniers dans un domaine bien particulier : l’aide aux victimes de la torture ( Center for Victims of Torture ). Les réfugiés qui arrivent aux Etats-Unis après avoir subi les pires sévices sont ainsi très souvent redirigés vers les villes jumelles.
Parmi les professeurs de français que j’ai rencontrés ici, certains servent de traducteurs bénévoles, pour des réfugiés d’Afrique francophone, pendant des années de soins médicaux et de thérapie. Les meilleurs résultats sont obtenus, disent-ils, quand, au terme d’un véritable travail de fourmi, on parvient à réunir les familles.
Ici, donc, on tente de reconstruire les âmes. Bien plus prosaïque mais pourtant nécessaire, on s’attelle aussi chaque année à réparer les dégâts de l’hiver. Le Minnesota est sous la neige pendant cinq mois, avec des températures jusqu’à moins trente. Quand le printemps revient, comme en ce moment, avec une lumière d’une intensité fabuleuse, il faut refaire les routes, renforcer les toits, vérifier toute la plomberie, et vite, vite, planter les jardins. Le Minnesota s’enorgueillit aussi d’être le 2ème Etat – après la Californie – des passionnés de jardinage !
Nicole Bacharan
Par Nicole Bacharan
08/04/09 à 19h37
Me voici à St Joseph, Missouri – « Saint Joe », disent affectueusement les « natives ». La ville où fut abattu Jesse James, le début du Wild West, en tout cas le vrai Midwest. Sur une carte, c’est presque au centre géographique des Etats-Unis, qui se situe à quelques miles de là, à Topeka, Kansas.
A l’initiative de l’Alliance française, j’ai entrepris de rendre visite à quelques universités où des professeurs particulièrement dynamiques enseignent le français à des étudiants qui se sentent pourtant bien loin de notre pays.
Saint-Joe : imaginez une ville très calme, aux rues très larges, bordées de maisons de bois, où les voitures se croisent lentement, et s’arrêtent volontiers à l’approche d’un rare piéton. Le paysage est un peu vallonné, mais nous sommes quand même dans les grandes plaines, là où poussent le maïs, le blé, le soja, et où, à cette époque de l’année, souffle encore un vent glacé.
Chacun, ici, se définit comme un « Midwesterner », et cela signifie surtout être fils ou fille, de fermiers. C’est la campagne, et on aime sa région, son mode de vie, son sens de « la communauté », mais on se sent loin de « tout ». Loin du reste du monde, mais tout aussi loin de Washington, des côtes Est et Ouest peuplés de citadins qui se croient, dit-on ici, plus intéressants ou plus sophistiqués. Pour ceux là, me confie Andrew, un étudiant plein d’humour, couvert de tâches de rousseur et qui devait ressembler à Tom Sawyer quand il était petit, « nous sommes des « hillbillies », des « péquenots incultes », et pour eux, le MidWest, c’est « fly-over-country » - toute une région qui ne mérite que d’être survolée en allant d’une côte à l’autre, et où il ne faut surtout pas s’arrêter car il ne s’y passe « rien ». Ici, le sentiment d’être méprisé des élites pèse lourd.
Alors on en rit, mais d’un rire un peu triste. Politiquement la région est divisée de manière traditionnelle : les villes votent plutôt démocrate, les campagnes plutôt républicain. En novembre dernier, les résultats du Missouri se sont joués à un cheveu : John McCain l’a emporté avec… 0,12% d’avance, quelque 3000 voix sur 2,9 millions de suffrages exprimés Parmi les étudiants, les supporters d’Obama côtoient les conservateurs – la division semble plus se faire sur la fidélité aux traditions de sa famille, plutôt qu’entre les générations. Dans le MidWest, être conservateur, voter en fonction de son opposition à l’avortement ou au mariage gay, c’est une manière d’affirmer qu’on a son mot à dire face aux élites, volontiers taxées de « décadence ». Un état d’esprit qui fait le fond de commerce de Fox News.
Sur cette chaîne toute info du câble, les attaques contre les démocrates, et, encore une fois, contre « les élites » (dont les équipes de Fox News ne feraient pas partie – belle hypocrisie) ont retrouvé tout leur vitriol. Les animateurs tirent à cœur joie sur leurs trois cibles favorites : le « socialisme » d’Obama, avec la menace qu’il ferait peser sur la libre entreprise (notamment GM…) ; le « retour à la mentalité d’avant le 11 septembre » (une manière de dire que le nouveau pouvoir est mou, cède aux islamistes radicaux, et que le pays n’est plus protégé contre les attentats) ; et enfin, l’apathie et le manque de courage de l’Europe, et particulièrement de la France ! Fox News n’a pas de mots assez durs pour fustiger notre prétendue lâcheté, notre habitude de nous laisser protéger par les Etats-Unis, de leur laisser se charger de tous les coûts et de tous les risques, et pendant ce temps-là de nous « la couler douce ». Je vous laisse juges !
En tout cas, à l’évidence, dans le MidWest, cette propagande laisse sa trace, et certains considèrent encore la France comme « le traître ». La confusion entretenue par George Bush sur un lien entre Saddam Hussein et le 11 septembre n’est pas entièrement dissipée. Et il reste un certain ressentiment contre l’allié qui n’a pas répondu présent quand les Etats-Unis en auraient eu besoin.
Mais ce n’est pas du tout l’état d’esprit des étudiants qui ici, veulent apprendre le français. Quand je leur demande pourquoi ils ont fait ce choix, la réponse est unanime : « la culture ! ». Une culture lointaine et qui les fait rêver. Andrew, lui, me dit que sa première motivation a été de… contrarier son père, qui souhaitait qu’il apprenne l’Espagnol, plus utile. Mais Andrew rêve d’une carrière dans les relations internationales, peut-être même dans la diplomatie. Pour lui, apprendre le français, c’est sa part de rébellion.
Nicole Bacharan
Par Nicole Bacharan
29/03/09 à 18h18
A l’occasion du sommet de l’OTAN les 3 et 4 avril prochains, Barack Obama a annoncé sa nouvelle stratégie afghane. Vendredi dernier, il a tenté de convaincre son opinion. Vendredi prochain, il lui faudra convaincre ses alliés. Après la « review » de 60 jours effectuée par les responsables civils et militaires, chargés de rapporter au président l’état actuel de la situation en Afghanistan, la stratégie annoncée est à la fois plus et moins ambitieuse que celle poursuivie par George Bush depuis 7 ans. Comme l’ancien président, Obama a souligné le danger qu’il y a, pour les Américains et le reste du monde, à laisser l’Afghanistan et la zone frontière du Pakistan, aux mains des Talibans et d’Al Qaeda. Obama est bien convaincu que la préparation d’attentats et l’entraînement des terroristes se poursuit et même s'intensifie. Pour en venir à bout, il a l’intention de mobiliser plus de moyens militaires que George Bush, qui avait privilégié une guerre high tech, avec relativement peu de troupes, des frappes prétendument ciblées, des programmes d’aide qui se sont révélés inefficaces. Obama, lui, affiche sa volonté d’envoyer 21 000 hommes supplémentaires pour vaincre al Qaeda et les Talibans. Sur le plan politique, George Bush promettait de transformer l’Afghanistan en démocratie modèle. Sur ce point, l’ambition d’Obama semble moindre : des institutions stables, relativement pluralistes, seraient déjà un beau résultat. Mais pour y parvenir, la nouvelle administration envisage de lancer en fait un effort immense. Sur le plan militaire et sécuritaire, il est prévu d’intensifier la formation de l’armée et de la police afghanes, et d’en multiplier les recrues. Sur le plan politique, il s’agira de renforcer la légitimité et l’efficacité du gouvernement de Kaboul. Sur le plan économique, le soutien devra être apporté à l’éducation, à la santé, au commerce. Et aucun de ces objectifs ne pourra être atteint sans lutte contre le trafic de drogue, qui prospère plus que jamais, corrompt le gouvernement, et alimente les combattants. Obama veut aller plus loin encore, en élargissant la stratégie au grand voisin, le Pakistan. L’administration Bush envoyait à Islamabad des milliards de dollars pour soutenir l’armée, sans guère de contrôle ou de résultat. Obama veut soutenir le développement de l’économie et des institutions politiques du Pakistan, et faire des responsables pakistanais de véritables partenaires dans le combat contre al Qaeda et les Talibans. Barack Obama pourra-t-il convaincre ses partenaires de l’OTAN de le suivre dans ses grandes ambitions ? A Strasbourg, il se retrouvera face à des leaders focalisés sur la crise, et dont les opinions publiques sont globalement hostiles à l’engagement en Afghanistan. De plus, Obama, s'il reste très populaire, viendra en représentant d’un pays qui en ce moment, ne l’est guère. Les Etats-Unis sont en effet largement tenus pour responsables de la crise qui secoue le système financier mondial. Toutes ces réticences font qu’Obama n’attend plus, au sommet de l’OTAN, qu’aucun allié européen promette d’envoyer plus de troupes en Afghanistan, au moins dans l'immédiat. Cependant, sa stratégie ne requiert pas seulement des soldats, mais aussi des formateurs militaires, des ingénieurs, des avocats, des administrateurs civils, des médecins, des entrepreneurs – en somme, des milliers de civils. A Strasbourg, Obama sait qu’il ne pourra faire plus qu’entamer un long dialogue avec des Européens méfiants, et qui n’envisageront d’augmenter leur implication dans cette guerre déjà si longue que s’ils sont vraiment partie prenante dans le développement de la nouvelle stratégie.
Nicole Bacharan
Par Nicole Bacharan
26/03/09 à 12h23
En visite au Mexique, Hillary Clinton vient de souligner une évidence : « notre appétit insatiable pour les drogues illégales nourrit le trafic de drogue ». Elle parle, bien sûr, de l’appétit des Américains pour la poudre blanche, réputée si « cool » dans les soirées. Mais cela nous concerne aussi en Europe. Au Mexique, c’est une vraie guerre qui se déroule entre les gangs d'un côté, la police et l’armée de l'autre. Cette guerre a fait 7200 morts en un an. A la frontière avec les Etats-Unis, le trafic va dans les deux sens. La drogue vient du Mexique, l’argent des grands dealers vient des Etats-Unis. Mais il n’y a pas que l’argent : les armes d’assaut, en vente quasi libre aux Etats-Unis, sont aussi acheminées illégalement vers le Mexique, et alimentent la guerre. Il y a un an, Condoleezza Rice elle aussi en visite au Mexique niait qu’il y ait le moindre rapport entre l’accroissement de la violence au Mexique et la libre circulation des armes d’assaut aux Etats-Unis. Ce n’est plus la position officielle, Hillary Clinton et le président mexicain Felipe Calderon semblent bien d’accord là dessus. Et déjà, le lobby américain du libre port d’armes s’affole, craignant que l’administration Obama ne veuille, selon la formule consacrée, « prendre leurs fusils ». J’ai pu discuter hier de ce dossier avec des sources diplomatiques françaises, qui décrivaient une situation tragique dans toute l’Amérique latine. Les autorités policières sont soit corrompues, soit impuissantes : pas d’hélicoptères, pas de bateaux de surveillance, pas d’armements adéquats face à des gangs surarmés. Une bonne partie du continent est devenu un boulevard pour des quantités invraisemblables de cocaïne. Ce débordement nourrit chaque jour les assassinats, les règlements de compte, les prises d’otages, et une « culture » de gangs (dans lesquels échouent beaucoup d’enfants orphelins venus des métropoles déshéritées) où règnent des mœurs d’une violence inouïe, loin de toute norme civilisée. Une grande quantité de la drogue qui circule en Amérique latine ne fait pourtant pas le voyage vers les Etats-Unis. Elle part directement vers l’Afrique devenue la nouvelle plaque tournante mondiale du trafic. La drogue voyage – en bateau et en avion, car les « parrains » ont les moyens – mais aussi dans l’estomac de « mules » humaines misérables et sacrifiées d’avance. En Afrique, la drogue fait des ravages dans la population, transite vers le nord, puis vers l’Europe. Où des consommateurs gâtés ne veulent pas savoir quel est le prix humain de leur petite poudre blanche favorite et si chic. Comme disent les gamins : « faut arrêter ! ».
Nicole Bacharan
Comment réguler? Là est la question
Par Nicole Bacharan
22/03/09 à 17h52
Dans un premier temps, il a fallu obtenir du Congrès le vote de plans de sauvetage astronomiques. Désormais, il faut que l’argent du gouvernement parvienne sur les bons comptes, ne soit pas détourné ou dilapidé, mais serve réellement à sauver le système bancaire, relancer le crédit, protéger les petits propriétaires, et remettre à flots les grandes industries. Visiblement, à l’échelle d’une immense économie comme celle des Etats-Unis, c’est un colossal casse-tête. C’est vrai, l’administration Obama commet des faux pas – notamment en n’ayant pas prévu de mesures pour empêcher les dirigeants d’entreprises secourues par l’Etat (AIG…) de s’octroyer des bonus qui suscitent l’indignation générale. De plus l’administration met du temps à élaborer des plans précis concernant l’assainissement général du système bancaire. Pour le moment, on n’en connaît que les grandes lignes. On devrait en savoir un peu plus la semaine prochaine, en préparation du G-20. Mais il faut rappeler qu’en octobre dernier, quand le Congrès avait voté le "bail out" de Henry Paulson, l’administration Bush avait préféré donner une partie de l’argent directement aux banques en perdition, considérant que l’élaboration d’un plan efficace et détaillé prendrait trop de temps. Face aux délais et aux quelques cafouillages de l’administration Obama, il est bien normal que les critiques s’expriment. L’angoisse générale est elle aussi bien justifiée. Cependant, beaucoup de ces critiques d’aujourd’hui disaient volontiers, au moment de l’élection, que Barack Obama, en dépit de tout son talent, n’était pas le messie et qu’il ne fallait pas attendre de miracle. Donc si certains attendaient qu’il ait résolu la crise en quelques semaines, c’est bien un miracle qu’ils espéraient ! Un peu de patience est donc de mise. Mais au moment du G-20, le 2 avril prochain, il faudra non seulement que « le plan Obama » apparaisse clairement, mais qu’il s’inscrive dans des décisions internationales fortes. On le sait, Européens et Américains sont en désaccord sur le montant des plans de relance et des déficits (les Américains prêchent pour des montants très élevés) et sur la régulation internationale des marchés (là, ce sont les Européens qui en veulent beaucoup plus). François Fillon est d’ailleurs chargé de convaincre Washington de rejoindre Paris sur ce point. Ce n’est pas que Barack Obama ne veut pas réguler. Mais il veut surtout réguler au niveau national. Les plans en cours d’élaboration préparent des contrôles publics comme les Etats-Unis n’en ont jamais connus. Le gouvernement a bien l’intention de superviser de près l’achat des « avoirs toxiques » ; de contrôler les grandes sociétés d’assurance et de crédit et les fameux hedge funds spéculatifs dont beaucoup échappent encore aujourd’hui aux régulateurs bancaires ; de limiter les revenus des dirigeants (une première !), même pour des sociétés qui ne reçoivent pas d’aide de l’Etat, pour qu’ils correspondent aux intérêts globaux de l’entreprise. Barack Obama aura du mal à faire accepter ces contrôles au niveau national : l’industrie du crédit jouit d’une grande influence au Congrès. Mais de là à accepter un contrôle par des instances internationales, il y a encore un immense pas, contraire à toutes les traditions des Etats-Unis, si attachés à la préséance de la loi et de la Constitution américaines et si soupçonneux vis-à-vis de tout « grand machin » international et bureaucratique.
Une chose est sûre : un G-20 qui apparaîtrait impuissant serait le pire message possible adressé aux économies du monde.
Nicole Bacharan
Le Nouveau Mexique abolit la peine de mort
Par Nicole Bacharan
19/03/09 à 11h39
Lentement (très lentement), les Etats-Unis avancent vers l’abandon de cette peine d’un autre âge. Bill Richardson, gouverneur du Nouveau Mexique, (ex-candidat démocrate malheureux à la dernière présidentielle, ex-Secrétaire au commerce brièvement pressenti avant de devoir se retirer…) vient de signer la loi abolissant la peine de mort dans son Etat. Le Nouveau Mexique rejoint ainsi le mouvement lancé par le New Jersey en 2007. Désormais 15 Etats ont officiellement aboli la peine de mort. Petit rappel : la Cour suprême a rétabli la peine de mort en 1976. Depuis, un peu plus de 1100 condamnés ont été exécutés dans une dizaine d’Etats. La grande majorité des exécutions ont lieu dans quatre d’entre eux : le Texas, la Californie, la Floride, et la Caroline du Nord. C’est largement suffisant pour qu’à chaque rapport d’Amnesty International, les Etats-Unis soient pointés du doigt aux côtés des grands exécuteurs de la planète : la Chine, l’Iran, l’Arabie Saoudite et le Pakistan. En dépit de la frilosité des politiques et des juges, en dépit d’un soutien encore majoritaire de l’opinion à la peine capitale, le mouvement de fonds pour l’abolition prend de l’ampleur. L’idée selon laquelle la peur du châtiment découragerait les criminels est de plus en plus contestée (la criminalité est d’ailleurs moindre dans les Etats ne pratiquant pas la peine de mort). La généralisation des tests ADN a démontré toutes les failles du travail de la police, sans compter – et c’est un élément crucial - le racisme qui entache bien des enquêtes et des procédures. Tout cela nourrit la crainte de beaucoup de citoyens pour ce qu’ils jugent inacceptable, même s’ils ne récusent pas tous la peine de mort dans son principe : l’erreur judiciaire. Des associations et des universités se sont emparées de cas anciens pour exposer ces erreurs, et publier le nom, l’histoire et les visages de condamnés dont l'innocence a été prouvée, mais bien tard: certains avaient été exécutés, d'autres avaient déjà passé des années de leur vie dans les couloirs de la mort. Seule, la Cour suprême aurait le pouvoir d’abolir la peine de mort à l’échelle de tout le pays. Dans les dernières années, elle en a un peu réduit le champ d’application : les condamnés mineurs au moment des faits, et les handicapés mentaux, n’encourent plus la peine capitale.
En 2008, la Cour suprême a envoyé deux messages contradictoires : elle a refusé de considérer les injections létales comme un « châtiment cruel et inhabituel » (ce qui les aurait rendu illégales selon le 8ème amendement). Mais le juge John Paul Stevens, nommé autrefois par Gérald Ford, et l'un des plus fermes soutiens à la peine de mort au sein de la Cour depuis 1976, a aussi déclaré qu'il ne suffisait plus de se poser la question des méthodes d'exécution, mais que « le temps était venu de reconsidérer la justification de la peine de mort elle-même ». L’évolution des sociétés, et des normes internationales, ont rendu la peine de mort inacceptable dans les démocraties. Combien de temps faudra-t-il pour que les Etats-Unis et la Cour suprême - à laquelle Barack Obama sera amené, au cours de son mandat, à certainement nommer un ou deux juges - les rejoignent ?
Nicole Bacharan
Par Nicole Bacharan
15/03/09 à 15h10
Voilà un film que nous n’avons toujours pas vu : il fit une brève apparition en 2008, avant de retourner aussitôt dans sa boîte pour cause de condamnation par la Federal Election Commission, puis par les tribunaux. D’appel en appel, l’affaire se retrouve maintenant devant la Cour suprême.
Il est pourtant très difficile d’interdire un film aux Etats-Unis, ou même (comme c’était le cas pour « Hillary : the Movie ») de s’opposer à la diffusion des publicités faisant sa promotion. « Hillary : The Movie » se présentait comme un documentaire, une biographie critique de celle qui était alors candidate à la présidence. On y retrouvait ses « meilleurs ennemis » : Newt Gingrich, l’ancien élu à la Chambre des Représentants qui conduisit, en 1994, la « révolution conservatrice » ; Ann Coulter, l’éditorialiste ultra conservatrice qui trempe régulièrement sa plume dans le vitriol (je me souviens notamment de sa diatribe, en 2004, contre les déléguées présentes à la Convention démocrate – « ces cageots malodorants qu’ici on appelle femmes ») ; sans compter Dick Morris, le machiavélique conseiller, qui a servi tant les républicains que les démocrates, a joué un rôle pivot dans la réélection de Bill Clinton en 1996, avant de publier tous ses souvenirs – à charge – sur l’ancien président… Pour la Commission Electorale Fédérale, « Hillary : The Movie », présenté en pleine course à la Maison Blanche, n’était rien d’autre qu’une pub partisane de 90 minutes, financée par de grandes entreprises, et tombait, à ce titre, sous le coup des restrictions et contrôles sur les dépenses de campagne. Les tribunaux ont confirmé ce point de vue. Les promoteurs du film – « Citizens United », un groupe d’activistes conservateurs – protestent au nom de la liberté d’expression, garantie par la Constitution. Ils revendiquent clairement leur modèle et inspirateur : Michael Moore. Pour eux, « Fahrenheit 9/11 » était un pamphlet anti-Bush, pourquoi n’auraient-ils pas le droit de faire un équivalent anti-Hillary ? Où s’arrête la liberté d’expression, où commence la campagne électorale ? Où s’arrête le journalisme, et où commence le travail de cinéaste ? Michael Moore, par son succès, a engendré beaucoup d’émules, qui revendiquent volontiers de faire un travail que la presse ne fait pas, pour aussitôt se retrancher derrière leur statut de cinéaste quand on leur reproche quelques inexactitudes. (Le crédit de Michael Moore a notamment bien baissé en France quand dans son film « Sicko », il donnait une vision très idéalisée de ce pays, où, disait-il, on ne travaillait guère, et où une famille moyenne gagnait, si je me souvient bien, près de 6000 Euros par mois…) Questions difficiles, donc, dont la Cour suprême devra trancher. Car c’est au nom d’une vision très étendue de la liberté d’expression qu’il est si difficile, aux Etats-Unis, de limiter le financement des campagnes par les grands lobbies. Si jamais "Hillary: The Movie" parvient dans les salles, il risque bien d'avoir un petit goût de réchauffé...
Nicole Bacharan
Difficile assouplissement envers Cuba
Par Nicole Bacharan
11/03/09 à 13h36
L’embargo isolant l’île rebelle, à 90 miles de la Floride, date de John Kennedy. Bill Clinton disait en privé qu’il ne servait plus à rien, mais que politiquement il était impossible d’en faire voter la levée. George W Bush, lui, l’avait encore durci. Sous sa présidence, les Cubains-Américains ne pouvaient plus rendre visite à leurs familles qu’une fois tous les trois ans, et pour pas plus de deux semaines. Ils n’avaient pas non plus le droit de leur envoyer plus de 100 dollars par mois, une somme qui paraît dérisoire, mais qui avait son importance, quand on sait que le salaire moyen mensuel des Cubains tourne autour de 20 dollars. Pendant sa campagne, Barack Obama avait rompu avec cette tradition, et s’était déclaré prêt à rencontrer Raul Castro, et à assouplir peu à peu l’embargo. Un premier pas vient d’être franchi en ce sens : le Congrès a voté ce mardi des amendements à la loi budgétaire autorisant des visites annuelles pour les Cubains-Américains, pour des durées plus longues (pour les autres citoyens américains, tout voyage vers Cuba reste interdit). La limite de 100 dollars par mois devrait bientôt être augmentée. Et la vente de produits agricoles et pharmaceutiques américains à Cuba – déjà autorisée – sera facilitée. Les représentants de ces industries obtiendront plus facilement des autorisations de voyage, et les produits vendus pourront désormais être payés à réception à Cuba, et non, comme c’était le cas jusqu’à présent, avant leur départ des ports américains. Aller plus loin dans l’assouplissement ne sera pas simple. Les Congressmen représentant des circonscriptions avec de fortes minorités cubaines ont longtemps été hostiles à toute ouverture, préférant céder à l’anti-communisme très virulent de l’ancienne génération, plutôt qu’au désir de rapprochement de beaucoup de familles. Aujourd’hui, les Cubains-Américains de la deuxième, voire de la troisième génération semblent plus attachés à la liberté de mouvement qu’à une volonté farouche de faire chuter le régime castriste. Deux sénateurs démocrates représentent bien les tensions toujours très vives qui agitent le Congrès sur ce sujet. L’un, Robert Menendez, est sénateur du New Jersey, mais d’origine cubaine. L’autre est élu de Floride. Ils avaient tous deux menacé de faire défection et de ne pas voter l’amendement, alors que leurs voix étaient cruciales. Pour les convaincre, le Secrétaire au Trésor s’est engagé à interpréter l’assouplissement de manière très restrictive…
Jusqu’où ira Barack Obama ? Pendant sa campagne, le nouveau président avait aussi annoncé que la levée progressive de l’embargo devrait s’accompagner de progrès démocratiques à Cuba. Mais déjà, le premier geste d'ouverture de mardi a été très bien accueillie en Amérique latine, et plus d’avancées en ce sens aideraient à réconcilier les Etats-Unis avec un continent qui s’est senti bien négligé pendant les années Bush.
Nicole Bacharan
Par Nicole Bacharan
08/03/09 à 17h13
Pas à pas, touche à touche, Barack Obama met en place sa stratégie globale. Sa vision du monde ressemble aux mobiles qui ornent parfois nos maisons : on met en mouvement une pièce, qui en fait bouger une autre, qui en fait bouger une autre… Le président Bush avait laissé le monde dans un triste état, avec nombre de situations bloquées, et bien peu d’interlocuteurs. Barack Obama a visiblement entrepris de tenter le dialogue avec des acteurs qui ne lui inspirent pas forcément de sympathie, ou ne partagent que peu de ses valeurs. Il retrouve le b-a-ba de la diplomatie : chercher des terrains d’entente avec des gouvernements qui ne sont pas des amis. Signe des priorités : Obama a d’abord envoyé sa Secrétaire d’Etat, Hillary Clinton, en Asie. Puis au Moyen Orient. Puis à Bruxelles. Elle est passée aussi par la Turquie, où elle a annoncé la visite du président au terme de son prochain voyage en Europe. Ce voyage conduira Barack Obama à Londres, le 2 avril, pour le G-20 ; puis à Strasbourg le 3 pour le sommet de l’OTAN (avec peut-être – ce n’est pas confirmé – une visite des plages du débarquement en Normandie) ; ensuite à Prague pour le sommet de l’Union Européenne ; et enfin à Ankara en Turquie. Obama voit dans la Turquie un intermédiaire indispensable auprès du monde musulman ; un pays qui peut servir de pont entre le Hamas et le Fatah pour rapprocher les frères ennemis palestiniens ; un pays qui avait aussi – autrefois – été le lien entre Israël et la Syrie pour des pourparlers sur la question du Golan. Et justement, remettre la Syrie dans le jeu diplomatique global est un des objectifs premiers de Barack Obama au Moyen Orient. Un rapprochement, même minime, avec Damas pourrait faire pression sur l’Iran – son allié le plus proche – et ensuite sur les clients de l’Iran : le Hezbollah au Liban et le Hamas à Gaza. La semaine passée, des envoyés de l’administration Obama ont déjà passé quatre heures avec le ministre syrien des affaires étrangères. C’est un début. Parler un jour à l’Iran influencerait ensuite la situation dans l’autre pays voisin : l’Afghanistan. Aujourd’hui, Barack Obama a répondu par un « non » sans équivoque à la question d’un reporter du NewYork Times « sommes-nous en train de gagner en Afghanistan ? ». Le président annoncera bientôt une nouvelle stratégie et il devra à la fois convaincre son opinion publique, et bientôt ses alliés de l’OTAN, de l’opportunité d’envoyer plus de troupes. Sa réflexion, en tout cas, s’oriente là aussi vers un élargissement des interlocuteurs possibles : au Pakistan comme en Afghanistan, il pense à inclure dans les discussions des fondamentalistes et des radicaux qui seraient prêts à rejeter les tactiques ultra violentes d’Al Qaeda. Toujours la stratégie du mobile, et peut-être une lueur d’espoir…
Nicole Bacharan
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